En 1948, papa nous emmenait maman et moi loin du soleil d'Olonzac, nommé surveillant général dans un institut pour enfants dits arriérés.
Au sortir de la guerre il s'agissait en fait de garçons, 110, ayant un retard scolaire, caractériels pour certains, orphelins ou enlevés à leur famille, jugées inaptes à l'éducation de leurs enfants.
Ils rentraient à 6 ans et pour la plupart n'en ressortaient qu'à 18, ayant appris à lire, écrire, compter, et un métier en rapport avec leurs capacités. Beaucoup ne partaient jamais en vacances, même pas l'été.
Bien évidemment pas de cellule psychologique pour évacuer les traumatismes de la guerre, les bombardements étaient encore présents dans leurs cauchemars et l'on pensait qu'une nourriture abondante, et le bon air suffiraient à faire oublier les horreurs qu'ils avaient vécues.
Dans ce que le voisinage appelait le château leur enfance s'écoulait au rythme des saisons et l'hiver les tricotins fleurissaient. Pour cela les moins timides allaient quémander à la lingerie une bobine de fil en bois, trouver 4 petits clous ne représentait guère de difficulté, les galoches à semelles de bois cloutées en perdaient généreusement, le grand clou pour passer la laine demandait plus de recherche mais jamais infructueuse. Quant à la laine, aucun problème, un coup de d'incisives dans le pull et le détricotage fournissait des longueurs sans fin du précieux matériau.
Débiles ces enfants ! Selon quels critères? Dégourdis, débrouillards, malin, futés rusés oui !
Avec eux, lorsque papa le permettait j'ai appris à faire un arc, à grimper aux arbres, à jouer-tricher à tous les jeux de cartes, jouer aux billes, glisser sans tomber sur le verglas, planter 4 bouts de bois pour faire tenir l'assiette lors du pique nique annuel, j'ai appris à tailler le baton pour capturer les vipères, à jouer aux osselets avec des cailloux patiemment sélectionnés, bien ronds et lourds, à faire du chewin-gum en machouillant des grains de blés, à siffler avec une herbe mais malheureusement, jamais je ne suis arrivée à siffler avec mes doigts.
Autant de choses qui servent à une grand-mère de 3 garçons.
Non Karmara tu n'es pas un gourdasse, sur google tu apprendras comment utiliser le tricotin, Fille Unique a demandé à son père l'autre jour : « mais c'est quoi un tricotin ? »
Bon j'ai testé, tout va bien.