La crevette aux genoux cagneux,
c'est moi....*
Nos grands-parents étaient amis, nos mères le sont encore, nous nous sommes connues dans le ventre de ces dernières, je suis arrivée 2 mois avant
elle, nous passions tous nos étés ensemble.
Son prénom commence par 2 notes de musique, son diminutif est le mot préféré de parents d’enfants turbulents quand enfin ils tombent de sommeil.
Parce que je suis marquée à jamais par mes étés à Olonzac, ceux où un vélo et quelques bêtises fomentées par son frêre suffisaient à notre bonheur.
Bonne maman aurait bien voulu que je garde mes robes fraîches et répassées jusqu’au soir, comme mon amie, mais le short aux poches pleines de bouts
de riens était plus mon genre.
Dès la nuit tombée nous nous retrouvions au cinéma où nos grands-parents avaient des places réservées à l’année.
Pénétrer dans sa grande maison, fraîche et sombre représentait une aventure, animaux empaillés et ambiance souvent rock and roll me faisaient un peu peur et m’attiraient en même temps.
A 16 ans la vie nous a séparé, quelques rencontres par-çi par- là, nos mères seules à présent toutes les 2 sont plus proches que jamais et cela rejaillit sur les filles.
Grand-mère toutes les deux, elle a aussi sa Fille Unique.
Tous les jours au téléphone après avoir commenté l’état de maman, nous rattrappons un peu le temps perdu.
Il en ressort que nous aimons les mêmes livres, que nos préoccupations envers les petits sont les mêmes.
Je peux sans mentir dire que tous les jours de ma vie j’ai pensé au moins une fois à elle. Olonzac est trop présent dans mes pensées, est-ce normal docteur ?
Pomponette n’a pas été très sage hier, réfusé d’avaler la crème à la vanille, elle n’aime pas, donc re-sonde gastrique, re-épuisement après ça,
résultat elle a dormi pendant presque toute ma visite. S’est réveillée quelques minutes pendant lesquelles je lui ai montré des photos du jardin, elle a bien réagi.
Le matin elle était restée presque 3 h dans le fauteuil, aujourd’hui on va lui allumer la télé, et je vais apporter de la musique, vieux standards
américains sur lesquels elle a tant dansé, et son cher Charles Trénet.
Pour le moment ça suffira, d’autant plus que depuis hier un infirmier chante et siffle toute la journée dans le service, un oiseau des îles dans le froid de la Seine et Marne…
* 1948, dernier dimanche à Olonzac quel déchirement cela a du être pour mes grands-parents, attendre 1 an pour revoir leur fille et petite-fille
adulée.